5

 

Le jour, lentement, se levait. Devant l’hélicoptère, la grosse masse noire prit la forme d’un pic montagneux, symétrique et conique, entouré par la mer et éclairé encore par un mince croissant de lune. La lumière vira au bleu profond puis le soleil apparut dans une lueur orangée. Les pentes de la montagne étaient couvertes de neige.

Pitt jeta un coup d’œil en direction de Giordino. Il dormait. Il avait cette faculté de pouvoir se plonger dans le sommeil n’importe où et n’importe quand. Il dormait depuis leur départ d’Anchorage.

Pitt se tourna alors vers Julie Mendoza. Elle était assise derrière le pilote et son visage avait l’expression avide de celui d’un enfant à un spectacle de cirque. Son regard était fixé sur la montagne. Dans la pâleur de l’aube, ses traits semblaient s’être adoucis.

« Le volcan Augustine, expliqua-t-elle, inconsciente de l’examen dont elle était l’objet. Nommé ainsi par le capitaine Cook en 1778. On ne le dirait pas à le voir, mais ce volcan est l’un des plus actifs d’Alaska et il est entré en éruption six fois au cours du siècle passé. »

Pitt détourna à regret les yeux pour regarder en dessous de lui. L’île paraissait déserte. De longues coulées de lave sillonnaient les pentes du volcan jusqu’à la mer et un petit nuage flottait sur le sommet.

« Très pittoresque, fit-il avec un bâillement. On pourrait peut-être créer une station de sports d’hiver.

— N’y comptez pas, répliqua-t-elle en riant. Ce nuage que vous apercevez est en fait de la vapeur. L’Augustine ne se repose jamais. Sa dernière éruption en 1987 a surpassé celle du mont Saint Helens. Les retombées de cendres ont été mesurées jusqu’à Athènes.

— Et depuis ? se sentit obligé de demander Pitt.

— Les études récentes confirment que la chaleur ne cesse d’augmenter près du sommet, annonçant probablement une éruption prochaine.

— Naturellement, vous ne pouvez pas prévoir la date.

— Naturellement, acquiesça-t-elle en haussant les épaules. Les volcans sont imprévisibles. Parfois, ils se réveillent sans le moindre avertissement et parfois ils manifestent tous les signes d’une spectaculaire éruption qui ne se produit jamais. Ces scientifiques dont je vous ai parlé et qui sont morts à cause de l’agent S étaient sur l’île pour étudier son activité.

— Où allons-nous nous poser ?

— A environ 10 milles du rivage, répondit-elle. Sur le garde-côte Catawba. Ensuite, nous devrons nous séparer, du moins temporairement.

— Vous nous quittez ?

— Al et vous resterez à bord du Catawba pour tâcher de localiser l’endroit où est immergé l’agent S ; quant à moi, je vais sur l’île où se trouve déjà une équipe locale.

— Et une partie de mon boulot consistera à vous envoyer des échantillons d’eau de mer pour analyse ?

— Effectivement. En mesurant la concentration du produit, nous pourrons diriger vos recherches.

— Comme le Petit Poucet ?

— En quelque sorte.

— Et quand nous aurons trouvé ?

— Dès que vous aurez remonté les fûts contenant l’agent S, l’armée les prendra en charge et ira les enterrer dans un puits sur un îlot près du cercle arctique.

— A quelle profondeur ?

— 1 200 mètres.

— Rien que ça ! » fit-il ironiquement.

La jeune femme reprit son air revêche pour lancer d’une voix coupante :

« Il se trouve que c’est la méthode la plus efficace.

— Vous êtes optimiste, en tout cas.

— Que voulez-vous dire ?

— La récupération des containers. Ça pourrait exiger des mois.

— Nous n’avons même pas une semaine devant nous, répliqua-t-elle avec véhémence.

— Là, vous empiétez sur mon territoire. Les plongeurs ne peuvent pas prendre le risque d’évoluer dans des eaux où la moindre goutte sur la peau suffit à tuer. La seule solution raisonnable est d’utiliser des submersibles, un processus sacrement long et délicat. De plus, ils nécessitent des équipages très entraînés ainsi que des engins spéciaux pour servir de plates-formes de travail.

— Je vous ai déjà expliqué que nous avons carte blanche pour obtenir tout l’équipement désiré.

— Et ce n’est pas tout, reprit Pitt comme si de rien n’était. En dépit des indications que vous pourriez nous donner, repérer une épave revient à chercher une aiguille dans une meule de foin. Et ensuite, même si nous avons la chance de la trouver, il se pourrait que la coque soit brisée et la cargaison éparpillée, à moins que les fûts ne soient trop rouillés pour être transportés. Aucune affaire de ce genre n’est jamais réglée d’avance. »

Julie Mendoza rougit.

« Je voudrais vous faire remarquer...

— Ne vous donnez pas cette peine, l’interrompit-il. Je sais ce que vous allez dire. Alors épargnez-moi vos sermons et votre couplet sur les vies humaines qui sont en jeu. J’en suis parfaitement conscient et je n’ai pas besoin qu’on me le rappelle toutes les cinq minutes. »

Elle lui jeta un regard perplexe, sentant confusément qu’il cherchait à la mettre à l’épreuve.

« Vous avez déjà vu des gens touchés par l’agent S ? demanda-t-elle.

— Non.

— Ce n’est pas un bien beau spectacle. Ils se noient dans leur propre sang tandis que tous leurs organes internes explosent littéralement. Le sang coule à flots par tous les orifices de leur corps, puis les cadavres deviennent tout noirs.

— Votre description est très réaliste.

— Vous prenez ça comme un jeu ! explosa-t-elle. Moi pas ! »

Il ne répondit rien, se contentant de désigner le Catawba qui venait d’apparaître devant eux.

Le pilote de l’hélicoptère, constatant aux fanions flottant aux drisses du bateau que celui-ci s’était placé face au vent, amena son appareil vers l’arrière et le posa sur l’aire d’atterrissage. Aussitôt, deux silhouettes vêtues des pieds à la tête d’une combinaison pareille à celle d’un astronaute s’avancèrent en déroulant un tube de plastique de 1,50 mètre de diamètre qui ressemblait à un énorme cordon ombilical. Ils l’ajustèrent puis frappèrent trois coups. Pitt déverrouilla la porte de l’hélicoptère et l’ouvrit. Les deux hommes lui tendirent des cagoules et des gants.

« Feriez mieux de mettre ça », déclara l’un d’eux d’une voix assourdie.

Pitt réveilla son adjoint d’une bourrade et lui lança son équipement.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? marmonna Giordino, émergeant des brumes du sommeil.

— Un cadeau de bienvenue du service de santé. »

Deux autres marins arrivèrent par le tunnel de plastique pour prendre leurs bagages. Giordino, encore à moitié endormi, sortit de l’appareil en titubant. Pitt hésita, puis se tourna vers Julie Mendoza, la regardant droit dans les yeux.

« Quelle sera ma récompense si je trouve votre poison en quarante-huit heures ?

— Qu’est-ce que vous souhaiteriez ?

— Etes-vous aussi dure que vous feignez de l’être ?

— Plus dure, Mr. Pitt. Beaucoup plus dure.

— Alors à vous de décider. »

Il la gratina d’un sourire ambigu et disparut.

 

Panique à la Maison-Blanche
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